ce qu'il faut savoir

Séquestre du prix de cession lors d'une vente de fonds de commerce

Qu’est-ce que le séquestre du prix de cession?

Définition : Dans le cadre d’une vente de fonds de commerce (et non d’une cession de titres), le prix de cession va être consigné sur une période suffisamment longue pour permettre aux créanciers du vendeur de déclarer leurs créances et d’en obtenir le règlement. La personne physique ou morale chargée de cette mission est appelée « Séquestre ».

Introduction

Dès que l’acte de vente est signé et le prix payé par l’acquéreur, un tiers autorisé par la loi va être désigné par les parties afin de conserver le prix de cession pendant plusieurs mois. Vous avez bien lu : le vendeur n’encaisse pas le prix au moment de la vente du fonds de commerce. La somme complète est en effet bloquée, ce qui va permettre aux créanciers de faire opposition et d’être payés.

Si la créance est reconnue par le vendeur (ou le tribunal suite à contestation), le Séquestre réglera cette dette avant de restituer au vendeur le solde du prix. La mission de séquestre est une étape importante de la vente de fonds de commerce : elle va permettre de sécuriser tant le vendeur que l’acquéreur, tout en protégeant les créanciers éventuels. Focus sur le déroulement du séquestre? C’est parti!

Qui peut être désigné Séquestre du prix de cession d'un fonds de commerce?

En règle générale, un avocat ou un notaire sera désigné dans l’acte de vente de fonds afin de remplir cette mission. Ces deux professionnels disposent en effet d’une assurance responsabilité professionnelle qui garantit la réception, la détention et le mouvement de fonds importants pour le compte de tiers. L’avocat et le notaire sont donc en mesure de traiter une vente de fonds de commerce de A à Z (conseil, rédaction des actes et séquestre).

A l’inverse, un expert-comptable ne peut pas être nommé séquestre du prix de cession. Si d’aventure un expert-comptable rédige une cession de fonds de commerce, il devra faire appel à un avocat ou un notaire pour en séquestrer le prix (à défaut, sa responsabilité professionnelle peut être engagée). A noter : une banque est autorisée à séquestrer le prix de cession, mais ne peut en aucun cas rédiger les actes ou vous conseiller dans le cadre de la vente du fonds.

Comment raccourcir la durée du séquestre du prix de cession?

Le délai de 5 mois et demi peut être raccourci d’environ 2 mois, voire 2 mois et demi. Pour ce faire, il faut notifier la cession à l’Administration sans perdre de temps, c’est à dire dès la signature de l’acte. Au plus efficace, il est possible d’envoyer une attestation de vente à l’Administration en LRAR afin de faire courir le délai (on pourrait considérer que l’enregistrement de l’acte suffit, mais le service enregistrement n’est pas celui qui établit les impositions liées à la solidarité fiscale… D’où un risque de contestation de la part de l’Administration).

La durée du séquestre est alors d’environ 3 mois, soit au terme de la solidarité fiscale entre le vendeur et l’acquéreur du fonds (c’est à dire un ensemble de dettes fiscales que l’acquéreur doit payer si le vendeur ne le fait pas!). Dans tous les cas, l’expert-comptable doit être réactif et déclarer le bénéfice réel du vendeur (dont compte de résultat) dans les meilleurs délais. Le plus souvent, l’essentiel de la durée de séquestre s’opère sur un compte bancaire rémunéré. Ainsi, le vendeur acceptera davantage l’indisponibilité du prix, ce dernier produisant des intérêts sur plusieurs mois. Si au contraire le vendeur souhaite récupérer le solde du prix de cession au plus vite, le Séquestre peut l’y aider.

Cession de fonds : quels sont les pouvoirs du Séquestre?

Le Séquestre agit en conformité avec la mission dont il est investi, selon les termes de l’acte de cession de fonds de commerce signé par les parties. Il assure la protection des intérêts du vendeur, de l’acquéreur et des créanciers. Le Séquestre n’est pas autorisé par exemple à régler un créancier en particulier, mais doit au contraire veiller à ce que tous soient payés (sous réserve d’admission de la créance). S’il outrepasse ses pouvoirs, le Séquestre engage sa responsabilité professionnelle.

Le Séquestre avocat dispose néanmoins de quelques prérogatives : tout d’abord, il peut placer le prix de vente sur un compte bancaire rémunéré après avoir déposé ledit prix 21 jours à la CARPA (dépôt non rémunéré). Ensuite, il a la possibilité d’opérer un déblocage partiel du prix au profit du vendeur avant la fin des oppositions (voir ci-dessous). Enfin, il est seul compétent pour répartir le prix de vente entre les créanciers ayant valablement formé opposition, après accord du vendeur ou main levée des oppositions contestées.

Comment la mission de séquestre se termine-t-elle?

En la matière, il existe 2 cas de figure : premièrement, le prix issu de la vente suffit à payer chaque créancier ayant valablement formé opposition. C’est fort heureusement ce qui se produit dans la grande majorité des dossiers. Le Séquestre va alors répartir le prix entre les créanciers et adressera ensuite le solde au vendeur. Sa mission prend fin au moment où les créanciers sont désintéressés et que le vendeur a perçu le solde du prix de vente.

Deuxièmement : le prix est insuffisant pour payer tous les créanciers… Et c’est le drame! Plus sérieusement, le vendeur garde l’option de les régler directement, bien entendu. Mais s’il ne le fait pas, les créanciers peuvent demander une mise aux enchères publiques du fonds sur la base du prix de cession, augmenté du sixième de celui-ci. Le vendeur reste néanmoins responsable de tout passif qui ne serait pas payé à l’issue de cette vente aux enchères.

Vente de fonds de commerce : pendant combien de temps le prix est-il séquestré?

Le prix de vente sera théoriquement indisponible pour une durée comprise entre 3 mois et 5 mois et demi. Ce délai permet aux créanciers (ex : des fournisseurs, des tiers titulaires de privilèges, l’URSSAF, l’Administration, etc.) de former opposition et de se faire payer leur dû par le Séquestre. L’acquéreur a tout intérêt à purger ledit délai, sous risque d’avoir à payer de nouveau un créancier qui n’aurait pas été désintéressé. Le Séquestre ne voudra pas prendre le risque d’engager sa responsabilité professionnelle en terminant sa mission trop rapidement. Le vendeur quant à lui, sera pressé d’encaisser le prix de cession de son fonds de commerce…

Le délai de 5 mois et 15 jours correspond au terme maximum des oppositions possibles par les créanciers. Rappelons en effet que dans les 15 jours de la signature de l’acte de cession de fonds, une annonce légale va paraitre dans un journal compétent avant de paraître ensuite au BODACC. Les créanciers auront alors 10 jours à compter de la parution BODACC pour former opposition. Toutefois, l’Administration est en mesure d’exiger le paiement d’une dette hors cadre habituel de la procédure des oppositions et ce, jusqu’à 5 mois et demi, à compter de la signature de l’acte! Voilà pourquoi le séquestre peut être aussi long.

En quoi consiste exactement la mission de séquestre?

Si un calendrier du déroulement de la mission de séquestre recevant lui-même les oppositions devait exister, il pourrait classiquement se tenir ainsi :

– Désignation du Séquestre et fixation du périmètre de sa mission dans l’acte de cession de fonds de commerce

– Dans la foulée, le séquestre Avocat ouvre un compte séquestre à la CARPA pour y déposer, à l’aide d’un bordereau spécifique, le montant du prix de cession (au minimum pour 21 jours avant de pouvoir transférer la somme sur un compte bancaire rémunéré ou considérer un déblocage anticipé du prix de vente)

– Suite à parution légale dans les 15 jours de la signature de l’acte de vente, réception par le Séquestre des oppositions des créanciers par LRAR ou exploit d’huissier, ainsi que celles de l’Administration (soit jusqu’à 5 mois en tout)

– Au plus tard 5 mois et demi après la signature de l’acte, le Séquestre dresse un état des oppositions et les porte à la connaissance du vendeur. Si celui-ci les reconnait, le Séquestre paie chaque créancier. S’il en conteste certaines, une main levée judiciaire devra intervenir (ou une condamnation à payer…)

– Lorsque les créanciers ont tous été désintéressés (ou qu’une main levée a été prononcée sur une créance contestée) et que les éventuelles inscriptions de tiers ont été levées au Greffe, la mission se termine et il ne reste plus au séquestre qu’à verser le solde du prix au vendeur.

Le prix de vente peut-il être débloqué avant la fin du délai des oppositions?

Posez cette question au professionnel en charge du séquestre et il vous répondra certainement : « non, désolé ». Rappelons avant d’aller plus loin qu’il engage sa responsabilité de séquestre. Ainsi, s’il libérait le prix sous 1 mois par exemple et qu’1 mois plus tard, des oppositions étaient formées… il n’y a aucune certitude que le vendeur les prenne en charge. Il aurait peut-être même disparu purement et simplement… et les opposants se retourneraient contre le Séquestre!

Il existe toutefois un moyen. Bien qu’aucun avocat séquestre n’accepterait de libérer la totalité du prix avant la fin des oppositions, il peut demander à la CARPA (caisse professionnelle des avocats qui reçoit le prix à la signature) de débloquer une partie du prix de cession, après un délai minimum de 21 jours. De combien parle-t-on? C’est à la discrétion de votre avocat. Mais gageons qu’après avoir pris connaissance du bilan du vendeur, un déblocage anticipé de 10 à 30% du prix est une possibilité.

Qui doit payer les honoraires du Séquestre et combien ça coûte?

2 écoles s’opposent sur la question de savoir qui doit régler les honoraires liés au séquestre. Certains estiment que le Séquestre remplit une mission au profit de l’acquéreur puisque le Séquestre va lui éviter de transférer trop rapidement le prix de cession au vendeur en purgeant toute dette éventuelle que ce dernier pourrait avoir et dont l’acquéreur pourrait être solidaire. On entend également que généralement, l’acquéreur paie tous les frais et honoraires dans le cadre de son acquisition, ce qui inclue de facto les honoraires de séquestre.

D’autres professionnels considèrent que la mission de séquestre bénéficie au vendeur dans la mesure où elle traite des oppositions relatives à l’exercice de son activité et qu’il est finalement le seul intéressé à percevoir le solde du prix. En vérité, il n’y a pas de règle prédéfinie et la prise en charge des honoraires de séquestre fait partie des éléments à discuter entre les parties, avant même de signer l’acte. Si le montant n’est pas forfaitaire (fourchette comprise entre 500 et 1 000 € HT), un pourcentage peut être appliqué (entre 1 et 2% du prix de cession).